16 novembre 1981

J037 - Chez les trois frères

Lettre expédiée, communication téléphonique réservée, musée fermé.

Retour à la case et lecture d'un ouvrage sur la philosophie allemande.
Ne pas oublier : décrire les horaires d’utilisation des routes au Ladakh, et surtout le chemin tortueux pour se rendre, de nuit, chez Gulam.


De Gate 1 à Moon Mountain House, suivez le guide...

Sur la droite, après deux baraques, plongée dans la pénombre.
Aucune lumière, un escalier en pierre aux marches désintégrées, première menace sur l'équilibre, en plus des détritus glissants.
Tout droit, enjamber avec précaution le ruisseau qui charrie ses immondices, longer la tôle ondulée, la suivre à main gauche, puis à droite à angle droit, et encore à droite. Pendant ces derniers tournants, il suffit de suivre le tuyau de plomb qui court par terre. Puis à gauche, et, en se faufilant entre les clôtures branlantes qui réduisent la largeur du passage, tout droit jusqu'au pont de bois.
Attention à la marche, précédée d'une excavation boueuse.
Petit pont charmant au-dessus d'un canal du Dal Lake. A droite, le Gulmarg Hotel, Dal Gate et son quai ruisselant de lumière, criant son animation, contrastant par sa largeur, sa richesse, sa conception esthétique avec le bouge boueux traversé en se faufilant.
Le pont passé, la promenade continue comme sur une digue en bois. A gauche, des marches. L'Hotel Holy Night est à gauche et l'eau à droite.
A nouveau des marches, puis une riche promenade avec une balustrade en bois massif. On se croirait à Deauville, sur les planches.
Où cela nous mène-t-il ? A droite, encore un bout de chemin convenable, puis les marches nous conduisent au pied de la maison de Gulam et sur les berges boueuses d'un des canaux.
Détritus, vaisselle et linge contribuent à donner à la boue environnante une coloration et un arôme de pauvreté peu hygiénique.
Le village est là. A gauche on passe devant la maison, puis c'est tout droit. Après avoir traversé le terrain dénudé qui sert d'aire de jeu aux enfants du village, on se glisse dans un couloir de fil de fer qui n'autorise pas les sacs à dos. On décroche la chaîne que retient un clou tordu, on pousse la porte de bois branlante aux charnières constituées de pneumatiques clouées.
Le jardin est là, à côté de Star Green House, avec les deux petites chambres qui composent cette mini maison. Nous y sommes.


Gulam, Elie et Abdul. Les trois frères

Gulam, les yeux très rouges comme si il n'avait pas arrêté de fumer depuis 48 h. Ils sont enfoncés très profondément dans les orbites, bougent sans cesse pour voir s'il ne nous manque pas quelque chose. Réveillé à 4 ou 5 h pour faire l'appel à la prière de la petite mosquée du quartier. Il est là dehors. Dès que nous ouvrons la porte de notre chambre, il se jette sur nous et nous demande avec anxiété : "Breakfast ?". Plein de prévenances, il veille à notre confort (thé à toute heure), mais sa conversation tourne souvent autour de choses matérielles et pécuniaires. Toujours prêt à nous apporter une généreuse platée de riz et de légumes.
Elie, le gondolier fumeur. Très simple, mais philosophe dans son genre. Le visage rustre : le nez a beaucoup souffert et ses joues sont couvertes de poils donnant une allure animale à sa rusticité. Il est bon. Quelques principes, quelques opinions qui constituent une pensée droite, bonne et solide. Il vit seul. Son bonheur, c'est le bonheur des autres, ce qui donne une impartialité et une justesse extraordinaire aux opinions qu'il exprime sur les gens, les peuples et les nations.
Abdul, peu présent.


Elie dormant avec son radio transistor, Srinagar, Cachemire

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