Moment de calme bonheur. Me voilà parti en sikhara, tel un pacha.
Le temps est superbe, il fait bon et j'écris, bercé par le travail régulier d'Elie dans mon dos.
Deux petites filles en pirogue viennent d'accoster pour me donner une fleur en échange de menue monnaie. Il est vraiment regrettable que tout ce bon temps ne profite qu'à moi.
Tout à l'heure, c'est un marchand de fourrure qui nous a abordés. Peu intéressé par une paire de gants de gazelle fourrée, j'ai cédé lorsque le prix est passé de 70 à 45 roupies.
Nous sommes dans le grand Dal Lake, la montagne tombe juste à notre droite et encercle une partie du lac. Comment exprimer combien le moment est bon et comment on sent son cœur s'épanouir...?
Nous dépassons deux européennes, en robe du pays, se baignant dans le lac, loin de l'agitation touristique des house-boats de Dal Gate. Quelle existence mènent-elles ici, dans ce coin de nature enchanteur où il est possible de vivre sans rien faire ?
Je suis encore voyageur solitaire trop immature pour envisager de m'établir quelques temps dans un endroit spécial, mais j'entrevois désormais d'autres types d'existence possibles pendant de longues périodes.
Nous voilà seuls sur le grand lac. Pas une ride ne vient troubler sa tranquille surface. Pas un bruit. Ce paysage grandiose, doux et monotone, convient parfaitement aux amoureux. Et aux poètes aussi sans doute.
Elie, pour déjeuner, a préparé la pâtée de rigueur : riz et végétaux (tomates, carottes, oignons et pomme de terre), ces derniers servis en petites quantités, mais brûlants de pili. Vient ensuite le thé. Je terminais ma seconde tasse allongé dans le sikhara qui était déjà repartie.
Le grand lac est séparé en deux parties par deux digues que joint un petit pont. Dessous, un jeune kashmiri se baigne et les mots y résonnent un instant, étrangement. Puis, devant nous toute l'étendue d'eau, dormante et constellée de plantes.
A gauche, la colline qui surplombe Srinagar et sur laquelle se perche le vieux fort, Hari Parbat. Devant, des chaînes de montagnes qui viennent jusqu'aux berges du lac, comme de démentielles coulées de lave. Cet encerclement se prolonge sur notre droite, presque jusqu'à la ville. C'est sans doute l'air d'automne qui donne cette légère brume enveloppant les reliefs montagneux.
Nous croisons encore quelque temps dans ce paradis avant d'accoster sur une berge tranquille. Il n'est pas tard, mais Elie n'entend pas ramer à l'heure la plus chaude de l'après-midi.
Quatre heures plus tard, écrasés par le soleil qui a tapé toute l'après-midi. Celle-ci se termine, et les petites grenouilles descendent vers le Sud par séries de bonds alternatifs.
On va avoir, je pense, un superbe coucher de soleil.
Elie est vraiment un super bon gars. Ce qu'il veut, c'est fumer, et qu'on lui foute la paix. Il n'aime pas "les mauvais hommes", il aime "les bons hommes". Il n'aime pas se fâcher, il aime caresser et embrasser. Il ne veut pas se marier. Il veut rester libre.
Impressions soleil couchant
Le dîner, riz et légumes, mais moins épicé qu'à midi, est avalé alors que le soleil décline.
Surprenant coucher de soleil, qui s'est révélé plus bref et moins flamboyant que je ne l'espérais. Le nez à l'objectif, j'étais prêt bien avant mais lorsque je relevais la tête, il était trop tard.
Dernières couleurs de cette journée ? Les reflets, sur le lac pétrifié, du soleil en vagues orange et violettes, aux tons métalliques. Superbe fluorescence colorée dans la pénombre de la vallée. Les plantes aquatiques étaient, inclusions cytoplasmiques, comme des bouillonnements volcaniques figés par l'obscurité glacée.
Soudain, dans cet espace où le temps s'était suspendu, une ombre chinoise plane, fabuleuse somme de symboles et perfection esthétique : digne, drapé, appuyé sur sa perche, l'homme se découpe, noir comme la nuit, contre-jour qui dérape sur fond de lumière surnaturelle.
Un sikhara nous longe dans un souffle, comme une plume que déporte un vent léger. Sur le pont, en plus de celle de l'homme, se découpe la silhouette du narghilé en terre cuite et au tuyau droit. La barque court encore quelques mètres, quelques secondes, sur son erre, avant de revenir doucement en arrière après avoir entamé un dialogue avec Elie.
L'homme veut quelques braises pour son kungry (fire-pot ou pot à braises) et son hobble-bobble (onomatopée pour désigner le narghilé).
Là encore, beauté grandiose et symbolique : les deux hommes, simultanément, se sont penchés sur leur kungry et tirent de longues bouffées pour porter leur cigarette à incandescence.
Au-dessus de nous, le ciel constellé d'étoiles, d'une pureté, d'une clarté mystique.
_____________________La carte de la journée_____________________
Le temps est superbe, il fait bon et j'écris, bercé par le travail régulier d'Elie dans mon dos.
Deux petites filles en pirogue viennent d'accoster pour me donner une fleur en échange de menue monnaie. Il est vraiment regrettable que tout ce bon temps ne profite qu'à moi.
Tout à l'heure, c'est un marchand de fourrure qui nous a abordés. Peu intéressé par une paire de gants de gazelle fourrée, j'ai cédé lorsque le prix est passé de 70 à 45 roupies.
Nous sommes dans le grand Dal Lake, la montagne tombe juste à notre droite et encercle une partie du lac. Comment exprimer combien le moment est bon et comment on sent son cœur s'épanouir...?
Nous dépassons deux européennes, en robe du pays, se baignant dans le lac, loin de l'agitation touristique des house-boats de Dal Gate. Quelle existence mènent-elles ici, dans ce coin de nature enchanteur où il est possible de vivre sans rien faire ?
Je suis encore voyageur solitaire trop immature pour envisager de m'établir quelques temps dans un endroit spécial, mais j'entrevois désormais d'autres types d'existence possibles pendant de longues périodes.
Nous voilà seuls sur le grand lac. Pas une ride ne vient troubler sa tranquille surface. Pas un bruit. Ce paysage grandiose, doux et monotone, convient parfaitement aux amoureux. Et aux poètes aussi sans doute.
Elie, pour déjeuner, a préparé la pâtée de rigueur : riz et végétaux (tomates, carottes, oignons et pomme de terre), ces derniers servis en petites quantités, mais brûlants de pili. Vient ensuite le thé. Je terminais ma seconde tasse allongé dans le sikhara qui était déjà repartie.
Le grand lac est séparé en deux parties par deux digues que joint un petit pont. Dessous, un jeune kashmiri se baigne et les mots y résonnent un instant, étrangement. Puis, devant nous toute l'étendue d'eau, dormante et constellée de plantes.
A gauche, la colline qui surplombe Srinagar et sur laquelle se perche le vieux fort, Hari Parbat. Devant, des chaînes de montagnes qui viennent jusqu'aux berges du lac, comme de démentielles coulées de lave. Cet encerclement se prolonge sur notre droite, presque jusqu'à la ville. C'est sans doute l'air d'automne qui donne cette légère brume enveloppant les reliefs montagneux.
Nous croisons encore quelque temps dans ce paradis avant d'accoster sur une berge tranquille. Il n'est pas tard, mais Elie n'entend pas ramer à l'heure la plus chaude de l'après-midi.
Pause "hobble-bobble" et Char Chinar, Dal Lake, Srinagar |
Vue nord : Dal Lake, Srinagar |
Woont Kadal Bridge et Nishat Suth, Dal Lake, Srinagar |
Quatre heures plus tard, écrasés par le soleil qui a tapé toute l'après-midi. Celle-ci se termine, et les petites grenouilles descendent vers le Sud par séries de bonds alternatifs.
On va avoir, je pense, un superbe coucher de soleil.
Elie est vraiment un super bon gars. Ce qu'il veut, c'est fumer, et qu'on lui foute la paix. Il n'aime pas "les mauvais hommes", il aime "les bons hommes". Il n'aime pas se fâcher, il aime caresser et embrasser. Il ne veut pas se marier. Il veut rester libre.
Impressions soleil couchant
Le dîner, riz et légumes, mais moins épicé qu'à midi, est avalé alors que le soleil décline.
Coucher de soleil sur Nishat Suth et Shankaracharya Hill, Dal Lake, Srinagar |
Coucher de soleil sur Nishat Suth et Shankaracharya Hill, Dal Lake, Srinagar |
Surprenant coucher de soleil, qui s'est révélé plus bref et moins flamboyant que je ne l'espérais. Le nez à l'objectif, j'étais prêt bien avant mais lorsque je relevais la tête, il était trop tard.
Dernières couleurs de cette journée ? Les reflets, sur le lac pétrifié, du soleil en vagues orange et violettes, aux tons métalliques. Superbe fluorescence colorée dans la pénombre de la vallée. Les plantes aquatiques étaient, inclusions cytoplasmiques, comme des bouillonnements volcaniques figés par l'obscurité glacée.
Coucher de soleil sur Nishat Suth, Dal Lake, Srinagar |
Coucher de soleil sur Nishat Suth, Dal Lake, Srinagar |
Coucher de soleil sur Nishat Suth, Dal Lake, Srinagar |
Soudain, dans cet espace où le temps s'était suspendu, une ombre chinoise plane, fabuleuse somme de symboles et perfection esthétique : digne, drapé, appuyé sur sa perche, l'homme se découpe, noir comme la nuit, contre-jour qui dérape sur fond de lumière surnaturelle.
Un sikhara nous longe dans un souffle, comme une plume que déporte un vent léger. Sur le pont, en plus de celle de l'homme, se découpe la silhouette du narghilé en terre cuite et au tuyau droit. La barque court encore quelques mètres, quelques secondes, sur son erre, avant de revenir doucement en arrière après avoir entamé un dialogue avec Elie.
L'homme veut quelques braises pour son kungry (fire-pot ou pot à braises) et son hobble-bobble (onomatopée pour désigner le narghilé).
Là encore, beauté grandiose et symbolique : les deux hommes, simultanément, se sont penchés sur leur kungry et tirent de longues bouffées pour porter leur cigarette à incandescence.
Au-dessus de nous, le ciel constellé d'étoiles, d'une pureté, d'une clarté mystique.
_____________________La carte de la journée_____________________
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