Ce matin, à Jammu, en sortant de la station-service où s'était ravitaillé notre bus, deux pauvres gosses tendaient la main vers les hautes vitres qui nous isolaient de l'extérieur. Les yeux brillants, ils se souriaient, complices, et leur beauté forçait l'admiration. Sous un soleil déjà haut, les deux petits avaient, dans leur regard, une étincelle de vie d'autant plus riche qu'on leur avait ôté toute possession matérielle.
Premières neiges
A peine quitté Jammu, on rencontre des paysages magnifiques. La route serpente tout de suite, à flanc de coteau, car, plus bas, une grande vallée accueille le lit caillouteux d'un fleuve désormais tari. La végétation est belle, beaucoup de fleurs, il fait beau.
Sur la route, Jammu-Srinagar |
Les premières neiges sont en vue : par l'enfilade de la vallée, sur laquelle s'accrochent d'ocre maisons de torchis, bois ou briques, on peut apercevoir des hauteurs blanches qui se découpent dans le ciel bleu.
Srinagar, 274 kilomètres.
Plus loin, au détour d'un virage, des bandes de mignons petits singes s'écartent de la route et nous regardent passer d'un air curieux.
Notre approche des premières chaînes montagneuses est interrompue par une crevaison qui nous permet de profiter d'un point de vue et d'une petite chute d'eau fraîche. Et toujours un beau soleil d'été.
Nous déjeunons à Batote, dans un chicken cra-cra de bord de route. Un échafaudage de planches, pentu et délabré, prolonge la salle en plein air. La nourriture est acceptable, vu son faible prix.
Nous approchons de régions plus montagneuses, couvertes de grands arbres, avec parfois des renflements constitués par les cultures en terrasse.
La montagne commence. Le sol est caillouteux, la terre soulève un grand nuage après notre passage. La route serpente de plus en plus, montant, descendant, s'efforçant de suivre le cheminement naturel de la vallée. C'est superbe, très dénudé. Vallée rocailleuse, masse de pierres ocre clair, et parfois, au fond, un fleuve qui s'insinue, superbe contraste de couleur et de matière.
Dans un tournant, un car s'est vidé de ses occupants qui rincent leurs habits sous une petite cascade.
Sur la route, Jammu-Srinagar |
Les travaux de cantonnement sont encore très fréquents. Lorsqu'on croise ces travailleurs tannés et poussiéreux, on rencontre peu après sur le bas-côté leurs petites tentes de couleur sombre, alignées comme des cercueils et maintes fois rapiécées.
Des troupeaux de chèvres défilent, encadrés par des enfants sales et en haillons. Souvent, dans la masse, une fille ou une femme qui, malgré des habits repoussants, porte de nombreux bijoux d'argent mat.
Banihal, dernière escale
On s'y arrête pour se dégourdir un peu les jambes, acheter quelques fruits et quelques gâteaux secs. Le village est une rue en pente dans la montagne. Une fois que l'on s'écarte des quelques dizaines de mètres d'étalage qui constituent le cœur de l'agglomération, on est surpris de découvrir qu'il ne reste plus que quelques maisons éparpillées, juchées sur les plus proches rochers. Puis, plus rien. La route, la montagne.
Sur la route, Jammu-Srinagar |
Pour changer de vallée, il nous faut emprunter un tunnel étroit et long de 2531 mètres. Ça en vaut la peine. Bientôt, le paysage change à nouveau : nous sommes sur un plateau, l'oppressante présence des montagnes diminue au fur et à mesure qu'elles s'écartent, le sol est plat. Sur les champs, tandis que la soirée commence, une douce clarté dorée donne au paysage une magie particulière. L'air est frais et pur, la visibilité excellente.
Une lumière particulière, que saisirait avec bonheur un photographe délicat, donne un léger flou aux choses, estompant les contrastes violents, voile beaucoup plus vaporeux, éthéré que ceux qui rendirent Hamilton célèbre.
Le soleil se couche à notre gauche et sa lueur orangée diffuse permet aux chaînes de montagnes de se superposer dans un contre-jour où l'obscurité respective des plans donne le sens de la profondeur.
Nous sommes presque arrivés à Srinagar. Il fait nuit dans les villages traversés. Frais aussi, la population sort revêtue de ponchos de laine grossière.
Srinagar
Deux français quittent le bus avec moi et viennent s'établir dans le house-boat tenu par Suliman. Le car vient d'éclater un pneu et tout le monde va encore poireauter un bon moment. Aussi, nous leur faussons compagnie, après avoir rencontré Suliman qui, flairant les clients providentiels, est venu prospecter.
Le boat-house est séduisant : construction légère et peu isolée, mais les matériaux sont naturels, bois et tissus. Le lit est dur mais droit. Les nuits ici sont donc honnêtes, quand dehors la population n'est pas trop bruyante.
_____________________La carte de la journée_____________________
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