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09 novembre 1981

J030 - Départ de Leh, seul à Basgo

Je quitte Leh et mes deux amis lâcheurs qui préfèrent rentrer directement sur Srinagar. Je ne recule pas, pas mécontent d’éprouver de nouvelles expériences.

6 km avant Nimmu, la route rejoint une vallée somptueuse et encaissée. Tout un versant est majestueusement recouvert d'une robe blanche, avec le fleuve bleu au fond.
Peu après, au fond de la gorge, la confluence de l'Indus et du Zanskar.

On descend dans cette longue vallée, très large, rocailleuse, ocre, un peu comme le Colorado.

Arrêt 2 km avant Nimmu, pour un énuresique. Peu après contagion. Même fécale : celui-ci, quelques mètres en dessous du bus, baisse froidement sa culotte. Lorsqu’il s’accroupit, on peut apercevoir quelques instants ses testicules se balancer, avant qu’il ne coule voluptueusement un généreux bronze resplendissant de santé. Le chauffeur n’attend pas le trainard qui se met à courir, paniqué et saute en marche. Ma main secourable était elle hygiénique ?


Seul à Basgo

Arrivée à Basgo, je suis le seul à descendre. Lorsque le bus repart, la vallée m’engloutit corps et âme dans son environnement. Etrange dépaysement, nécessité de se situer.
Recherche d’un gîte.
Montée à Basgo. La porte du monastère est close, malgré le welcome affiché.

Gompa, Basgo, Ladakh
Ruines, Basgo, Ladakh

Trois lakhangs (temples) dont la bonne conservation résulte de l’altitude, tons ternis et densifiés.
Autour, une nature étrange. Terre sèche, sable aux inclusions de roches. Paysage lunaire, violent, déchiré et torturé. Certaines roches s’enroulent rugueusement sur elles-mêmes, à la verticale, pour atteindre le soleil qui les brûle.


Gompa, Basgo, Ladakh

Ma chambre comporte un temple pour faire puja, fermé par un cadenas magnétique.
La famille qui m'héberge : une grand mère gazouillante avec une voix adorablement enfantine, Yamstick, la femme, le mari qui seul parle anglais, et une petite gamine plus ou moins effarouchée.
La cuisine : superbe, noire de suie, avec son fourneau de pierre encrassé et sa pénombre que percent les deux rayons lumineux créés par deux ouvertures d’aération dans le toit.
Diner dans le coin fourneau, de papa (pâte fait de tsampa) qu’on trempe dans la soupe de légume, après avoir creusé une cavité dans cette pâte à modeler lourde et sèche.

Dans ma chambre, une lampe à huile sur la table bancale se renverse lorsque je m’y accoude, et engraisse tout mon sac.
Froide nuit.

_____________________La carte de la journée_____________________

08 novembre 1981

J029 - C'est Muharram à Leh

Le défilé est prévu pour 10-11 h. Nous avons le temps de sacrifier au cérémonial chapatis chauds accompagnés désormais de miel.

Dans la rue principale, comme les jours précédents, animation devant la mosquée Shia Imambara de Main Street.


Rue principale, Leh, Ladakh
Rue principale, Leh, Ladakh
Rue principale, Leh, Ladakh
Rue principale et palais royal, Leh, Ladakh

Mon instinct me conduit à suivre des enfants porteurs de drapeaux jusque dans une mosquée neuve à l’écart du centre ville. J’y reste une demi-heure, pendant que les gens s’accumulent et se préparent en chantant.

Cendre frottée sur le visage, bandeau noir sur les cheveux, c’est Muharram, la célébration de l'Achoura pour le martyre d'Hussein, le petit-fils de Mohamed.

Dans l’étroit passage devant la mosquée, qui mène de la cour à la rue, surprise de voir passer en toute hâte un cheval blanc couvert de broderies voyantes et colorées.

Le rythme s’échauffe sur une pulsion basse, tout juste perceptible, mais suivie par cent poings qui frappent alternativement la poitrine des hommes comme un impitoyable et insistant mea-culpa. Dans la cour, trois groupes, dont un d’enfants qui se permet parfois des chants originaux, non concertés. A côté de moi, près de la porte, la direction est assurée par un homme au livre.

“Alvida, Alvida”. Maintenant, le martèlement des poitrines fait entendre un son sourd et inquiétant. On sent que la ferveur est montée avec l’excitation.
Je sors du jardin pour aller dans la rue me placer en avant du défilé et prendre des photos. 


Tibétains ladakhis regardant la procession du Muharram, Leh , Ladakh

Drapeau avec des écritures islamiques, ouverture de la procession avec force bâtons d’encens.


Procession du Muharram, Leh, Ladakh

Derrière, rythme que certains frappent sur leur crâne avec un fouet d’acier, comme le gosse ce matin sur la terrasse d’à côté, tandis je me lavais les dents.


Flagellation rituelle (Zanjir) lors de la procession du Muharram, Leh, Ladakh
Flagellation rituelle (Zanjir) lors de la procession du Muharram, Leh, Ladakh

Je me poste sur le chemin pour de ne pas rater le passage du cheval.
Dans la foule, le cheval passe avec son livre saint, ses deux colombes, son imam et sa robe blanche tâchée de rouge.


Procession du Muharram, Leh, Ladakh
Procession du Muharram, Palais royal, Leh, Ladakh

Un des pénitents commence à saigner, certains fouets sont composés de croissants d’acier mortificateurs. Puis un autre, puis d’autres encore dans une sanglante ferveur à laquelle participent même les enfants. Fébrilité des ambulanciers.


Flagellation rituelle (Zanjir) lors de la procession du Muharram, Leh, Ladakh
Flagellation rituelle (Zanjir) lors de la procession du Muharram, Leh, Ladakh

Quand le défilé atteint la grande rue, certains ont réussi à s’arracher progressivement deux zones de peau sur la poitrine avec leurs ongles. D’autres sont carrément sanglants.


Procession du Muharram, Leh, Ladakh
Flagellation rituelle (Zanjir) lors de la procession du Muharram, Leh, Ladakh

A l’appel des haut-parleurs de la crypte, agenouillement et gémissement de tous les blessés et croyants.


Procession du Muharram, Leh, Ladakh

Photos faciles de la foule des ladakhis traditionnels, interloqués le long du trottoir.


Ladakhis à la procession du Muharram, Leh, Ladakh
Ladakhis à la procession du Muharram, Leh, Ladakh
Procession du Muharram, Leh, Ladakh

L’air de bons toutous des vieux avec leurs chapeaux, et surtout l'ancêtre curieux trainant toujours au premier rang, dissipant de temps en temps son malaise avec trois tours de moulin à prière.


Ladakhis à la procession du Muharram, Leh, Ladakh
Ladakhis à la procession du Muharram, Leh, Ladakh
Ladakhis à la procession du Muharram, Leh, Ladakh
Ladakhis à la procession du Muharram, Leh, Ladakh
Procession du Muharram, Main Street, Palais royal, Leh, Ladakh

Fatigue face à ce sang, à cette violence. La célébration du Muharram se termine par des rassemblements soldés par des comas.


Rencontre de deux couples de français qui envisagent un long séjour ici.


Yaks dans la rue, Leh, Ladakh

Déjeuner au-dessus de chez Arton de tsampa porridge. Bon, pas cher, dommage de le découvrir si tard.

Après-midi à la recherche d’un mariage fantôme, prétexte pour une balade avec Stephano.
Diner rapide au Burman, avant de voir un film indien stupide et de mauvaise qualité. Seules les scènes de bagarres nous paraissent comiques.


07 novembre 1981

J028 - Artisanat ladakhi et cours de tanka

Shopping à vocation mercantile : du textile surtout.

Balade à trois et rencontre d’un prof qui nous apporte quelques lumières sur le bouddhisme tibétain : les dragons sont de bons signes.


Cour intérieure, Leh, Ladakh

Artisanat avec Steeve : fabrication de la laine, tapis, filage de pashmina.


Cours de tanka

Atelier de tanka où je fais un bref stage de dessin. Ambiance chaleureuse et complice.



Atelier de tanka, Leh, Ladakh

En rentrant achat - investissement en fringues. Perdrais-je la tête, assumerais-je difficilement ce premier voyage ?

Cette nuit, pas d’électricité.
Sauf pour les chiites, dont la sonore animation nocturne relève du délire, jusqu’à 4 h.
Demain, c’est leur fête, avec défilé et tout et tout.

06 novembre 1981

J027 - A Leh, achats déraisonnables sur Main Street...

Lecture de "Knulp" au soleil, envoi de trois cartes postales.

Balade dans Main Street : 300 $ d'achat déraisonnable de bijoux. Le marchandage est raté, si je veux être objectif.


Collier ladakhi, Leh, Ladakh
Collier ladakhi, Leh, Ladakh

L’animation musulmane dure encore plus longtemps qu'hier.

Nuit troublée par des rêves de business qui seraient en rapport avec les voyages.

05 novembre 1981

J026 - Ça bulle dans l’aquarium

Journée dans "l’aquarium", notre chambre vitrée sur la terrasse.

Longue lettre à F. et sorties juste pour manger.
Journée où l’on se meut à l’énergie solaire, de 10 h à 17h30.
Les autres poussent leur dynamisme jusqu’à Chocklausam, décevant village de réfugiés tibétains.

Nuit arabe : psalmodies, sermons dans lesquels les intonations révèlent l’éloquence du prêcheur, sa comédie.

04 novembre 1981

J025 - Leh sous la neige, descente à Spituk

Au matin, photos de l’Est de Leh, recouvert de neige et au soleil ascendant.


Chortens enneigés et Namgyal Tsemo Gompa, Leh, Ladakh
Palais Royal et Tsemo Fort, Leh, Ladakh
Chortens enneigés, Leh, Ladakh
Chortens enneigés, Leh, Ladakh
Chortens enneigés, Leh, Ladakh 
Chortens enneigés, Leh, Ladakh

Puis descente vers Spituk, dans la vallée qui a changé d’aspect.


Vue sur Spituk, Ladakh

Effet du tourisme sur le monastère : les travaux ont apporté des couleurs vives orange et jaunes et des marches bétonnées pour accéder au Lakhang.
Un lama peu aimable nous propose ses tickets à 13 roupies.

Dans une remise, nous dégustons le plus infect et le plus sordide des ladakhi chaï, servi par un pépé crado et adorable. Il est accompagné d'un biscuit, à partager entre deux personnes. L’acidité et les relents rances nous poursuivront toute la journée.

Entrée frauduleuse dans la salle de puja où deux mémés ladakhis se trouvent déjà et nous accueillent d'un « né-né » indigné.

Une heure d’attente frigorifiante une fois le soleil couché.
Auto-stop pour un retour en jeep, puis thé chez un fonctionnaire indien qui voudrait découvrir la prospérité américaine, hors d’atteinte pour lui (visa, devises).


_____________________La carte de la journée_____________________

03 novembre 1981

J024 - Il a neigé sur Leh


L'hiver approche.

Réveil après une nuit plus froide que les précédentes.
Comme les nuages l’avaient laissé supposer, le temps a changé. Il a neigé toute la nuit et il continue à tomber un épais brouillard laiteux. Le paysage s'est modifié.


Sur les toits du Old Ladakh Guesthouse, Leh

Equipons nous pour sortir : gants, chaussures, bonnet.
Il est amusant de marcher dans la neige et de monter ainsi jusqu’au bas du palais.

Les gosses sont peu couverts mais s’amusent encore davantage, avec un patin rouillé qui leur sert de monoski. Chute glacée, puis on se dispute l’engin.

Les toits sont envahis de neige et certains propriétaires commencent à s’en inquiéter du fait de la médiocre qualité des constructions et de la faible résistance des torchis de terre.

02 novembre 1981

J023 - Retour à Leh

Réveil un peu amer. Je déguste mon isolement.
Dessins réconfortants au soleil.


Chortens, Hemis, Ladakh
Le village, Hemis, Ladakh
Le village, Hemis, Ladakh


Sur le chemin du retour

Notre troupe un peu disloquée entame sa descente vers Karu.
Le chemin parait bien long, malgré la pente.

Karu. Le bus arrivera plus tard que prévu. Déjeuner.
De longs sirus élégants filent à toute vitesse.
Thé dans une cantine militaire sur des tôles de désensablement.
Puis un camion militaire emmène toute la bande.

Final à pied pour rejoindre Leh.
Récupération au Dreamland en compagnie de deux rastas.

31 octobre 1981

J021 - Tournée des monastères : Stok, Thiksey

Tôt le matin, rendez-vous au Transport Office.
Les bus sont groupés en dépit du bon sens. La pompe qui sert à les ravitailler dénote étrangement au milieu des chortens environnants.


Arrêt de bus et gompas, Leh, Ladakh

Départ pour Stok quelque peu retardé.
Après avoir descendu la pente jusqu’au Handicraft Center en essayant vainement de démarrer le moteur trop froid du bus, le conducteur est contraint de se ranger sur le côté gauche de la route.
Le matin, comme à Kargil, les chauffeurs “chauffent” leur moteur par en dessous, avec des bouses enflammées. Notre bus, chauffé aussi à l’intérieur, recelait une fumée nauséabonde. Heureusement, nous étions au grand air, derrière, pour pousser.

Le bus qui nous dépanne est à peu près vide, jusqu’au bas de la route menant du fleuve Indus au palais de Stok.
A cette station, de nombreux ladakhis s’engouffrent et saturent le bus, m’obligeant à porter sur les genoux le volumineux sac à dos qui constitue dès lors mon seul horizon.
Pendant le trajet, derrière moi, deux femmes et un homme ne cessent de marmonner une étrange litanie qui ressemble à des comptines enfantines teintées de gâtisme. On croirait qu’ils font ça pour rigoler, mais non, quand on les regarde, ils continuent à susurrer très sérieusement.


Arrivée à Stok, Ladakh

La reine du Ladakh est partie se réchauffer à Delhi puisque la saison touristique est terminée. Le musée est fermé. Nous devons à l’amabilité d’un lama la chance d’avoir pu observer les portes cadenassées qui donnent sur la cour à l’intérieur du palais.


Palais de Stok, Ladakh

Au dessus du palais, un peu à l’écart, nous improvisons un pique-nique à l’abri d’un monument blanc abritant de petits chortens.
A nos pieds, la vallée où coule l’Indus, extraordinairement vierge de toute construction sur notre gauche. Beauté de la montagne, pureté de l’air, soleil.


Pique-nique au dessus de Stok, Ladakh
La vallée de l'Indus, Stok, Ladakh
La vallée de l'Indus, Stok, Ladakh
Palais de Stok, Ladakh

Chortens, Stok, Ladakh
Chortens, Stok, Ladakh

Cellule cassée !

Bricolage audacieux de mon appareil photo, dont la cellule a souffert d’un choc, ce matin, dans le bus. J’apprends beaucoup en démontant cette mécanique de précision, mais la caméra, elle, n’en retire pas grand chose.

Nous nous attardons sur ce promontoire des plus agréables, estimant qu’une demi-heure suffira largement à atteindre la route en contrebas, de l’autre côté du fleuve. 


Entre Stok et Choglamsar, Ladakh
Entre Stok et Choglamsar, Ladakh
Entre Stok et Choglamsar, Ladakh
Entre Stok et Choglamsar, Ladakh

Deux heures plus tard, nous arrivons à peine, surpris par la distance que la pureté de l’air nous avait fait mésestimer.
S'ensuivent deux heures d’attente, que nous passons sur les rives de l’Indus, qui lisant, qui finissant son courrier.

Pont sur l'Indus, entre Stok et Choglamsar, Ladakh

Intermède cosmétique

L’arrivée de deux vieilles femmes ladakhies perturbe notre tranquillité. La plus jeune indique du doigt la peau de son visage, qui ne présente aucune malformation spectaculaire, en nous faisant comprendre qu’on peut faire quelque chose pour elle. L’autre intervient à son tour et veux me faire palper ce qui doit être une bosse au travers de ses cheveux.
Toutes les deux insistent, persuadées que, vu comme nous sommes vêtus, soigner des petits maux entre dans nos compétences, tout au moins dans nos attributions.
Nous échangeons des coups d’œil interrogateurs au moment du double diagnostic, sceptiques lorsqu’on nous demande un traitement et légèrement hilares devant l’insistance de ces deux femmes qui sollicitent notre intervention salutaire.
En désespoir de cause, après que tous les gestes mimant notre impuissance et notre dénuement n’aient en rien entamé leur conviction, je me décide à donner à la plus jeune, que son épiderme facial inquiète, un peu de crème après-soleil qui ne pourra pas lui faire de mal.
Je lui montre la bouteille, me verse une noix de crème sur le bout des doigts que je porte à mon visage, sur lequel j’exerce un lent massage à vocation didactique. Quand vient le tour de la femme, celle-ci refuse de recueillir le produit dans sa paume pour un usage immédiat. Elle farfouille dans ses poches, en retire un bout de papier qu’elle me présente. Devant mon refus interloqué, elle envoie un des enfants en désignant des détritus sur les berges du fleuve. Elle me tend bientôt un morceau de plastique sale, tout juste débarrassé de ses gros morceaux de terre séchée. Je lui transvase un peu de crème immaculée sur cette surface souillée qu’elle plie ensuite soigneusement, en évitant de faire couler le précieux liquide.
Vient ensuite le tour de la plus âgée, à la peau sale, tannée, ridée, de réclamer sa part de crème après-soleil, adoucissante et hydratante. Pour en finir, je lui tends l’élégante bouteille plastifiée d’ambre solaire. La femme n’en revient pas. Elle me remercie en s’écrasant à plusieurs reprises sur les galets de la berge. Elle accomplit ainsi, sur plusieurs mètres, un comique recul entrecoupé de courbettes exprimant sa satisfaction. Elle me gratifie d’un dernier “julai” avant de disparaitre avec sa compagne. Nous n’en finissons pas de rire.

Le bus arrive enfin et nous recueille, grelottants, au bord de la route poussiéreuse. Arguant du coefficient excessif de remplissage intérieur, nous grimpons, comme dans les westerns classiques, sur le toit du véhicule. Convenablement emmitouflé, cette façon de voyager permet de jouir sans contrainte de l’envoutant paysage, de percevoir toute la magie de l’espace que définissent les horizons montagneux.

Shey puis, au détour d’un tournant, assis sur une colline, plus loin dans la vallée, Thiksey.

Le Champa Hotel est le seul ouvert. Nous y établissons nos quartiers et, après un rapide repas, nous engouffrons à quatre dans la petite chambre.

_____________________La carte de la journée_____________________