La découverte de la banane écrasée, d’où dégouline un jus noir et collant à l’intérieur du petit sac qui m’a servi d’oreiller pendant la nuit, porte au nombre de trois les fautes d’étourderie commises dans la journée d’hier.
J’avais d’abord fait une entrée triomphale dans le compartiment, allongeant mon sac à dos sur la banquette du milieu. Alerté par les exclamations des passagers, je me rendais compte que des flots d’eau s’échappaient d’une des poches latérales de mon lourd fardeau et trempaient le voisin tranquillement assis sur la banquette inférieure.
Peu après, ayant rangé mon sac sur le sol, je prenais mes médicaments, qui, je l’espère, viendront à bout de mes ennuis intestinaux. Une nivaquine déjà dans la paume, je décapuchonnais distraitement un flacon, pensant en tirer deux gélules d’Intétrix, bicolores blanches et rouges. Le flacon contenait en fait de l’élixir Parégorique qui dégoulinait de ma main sur mon sac, répandant partout sa liqueur poisseuse au fort goût d’anis.
Heureusement mes voisins ne furent pas touchés, car peut être auraient-ils pris la décision de se débarrasser de ce distrait dangereux.
A Ahmedabad, il faut changer de train
Arrivé à 6h, le Gujarat Express quittant la gare à 7h10, j’ai le temps d’errer dans la gare, lourdement lesté, à la recherche du guichet qui pourrait délivrer une réservation pour cette seconde portion de trajet.
J’abandonne un peu plus tard, après avoir terrorisé une nouvelle fois un indien qui profite, comme d’habitude, de sa paroi de plexiglas pour négliger de répondre aux questions, pour rester les yeux dans le vague dans une attitude d’attente pseudo contemplative, ou pour baragouiner une réponse inaudible en regardant ailleurs. Je l'avais tiré de sa léthargie en tambourinant avec force sur son bouclier, puis l'avais quitté en le gratifiant d’un « Thank You » que démentait une affreuse grimace.
Du coup, je ne compte plus désormais que sur ma bonne étoile pour faire les 9h de trajet restantes dans les conditions les moins défavorables possibles.
Dans le train Jodhpur - Ahmedabad - Surat - Bombay |
Repas de Noël
Grâce à des voisins attentionnés, je passe les premières heures assis, négligeant de mettre de mon côté le contrôleur, qui me déplait fortement, à l’aide d’un bakchich me permettant d’obtenir une réservation soudoyée.
A 13h, après Surat, je suis viré de ma place par un nouveau contrôleur, encore plus teigneux. Il ne veut rien savoir, ce qui provoque de ma part une attitude m’ôtant tout espoir de trouver un coin pour m’asseoir.
Tant pis, j’accepte les choses avec indifférence, satisfait de provoquer la colère de ces petits employés prenant des intonations de sergents recruteurs du fait des maigres responsabilités qui leur sont imparties. Provoquer en quelques secondes un flot de paroles incompréhensibles, gutturales et agressives, puis ensuite, le regarder placidement et naïvement s’étrangler de sa propre bave, vaut bien de passer le reste du trajet, debout entre les toilettes et la porte qui donne sur la voie, puis assis sur un sac entre les deux wagons, encadré par deux pauvres types plus crasseux que le sol du train et avec lesquels j’ai plaisir à partager mes oranges et mes biscuits.
Bombay enfin !
A 18h, je suis à Bombay Central.
Voilà que l’argent commence à me filer entre les doigts. Il faut dire que je ne le retiens pas. 15 roupies de taxi jusqu’au Taj Mahal Hotel où je viens m’enquérir des listes d’équipage et des pick-up times.
Je pose mon sac à dos dans un coin et le Bell Manager accourt, paniqué, m’intimant l’ordre de sortir car je ne peux pas laisser mon barda ici. Il faut dire que ma présence fait descendre d’un seul coup le standing de l’hôtel.
Un peu plus tard, pour 70 roupies, je trouve une chambre qui ressemble davantage à un box, vu ses parois en contreplaqué aménagées dans la longueur de l’habitation. Il règne une épaisse chaleur que ne parvient pas à dissiper le ventilateur qui marche à fond. Mais la douche fonctionne et c’est l’essentiel.
Dîner copieux pour 25 roupies avant de me balader autour de l’India Gate et d’y somnoler quelque peu.
Plus tard, vers minuit, au Coffe Shop « Shamina » du Taj : je m'y ruine en craquant pour un steak frites qui me requinque sans problème, tout en allégeant mon porte-monnaie.
Dans une heure ou deux, je vais retrouver D.
_____________________La carte de la journée_____________________
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