31 décembre 1981

J082 - Atteindre Goa


Bizarre journée de fin d’année, en rien différente des précédentes.
Voilà qui me fait me sentir bien loin de ma terre natale et des traditions qui s’y rattachent, bien seul aussi puisque n'ayant pas réussi à créer une micro société qui, à échelle réduite, célébrerait les grandes dates « comme là-bas ».


De mal en pis

Un imbécile de l’hôtel me réveille à ma demande, en frappant la porte de ma cellule.
Le lit colle au mur de droite et du fond. A gauche, un étroit couloir d’environ 30 centimètres qu’obstrue une minuscule table de chevet. La porte est à un petit mètre du pied du lit. Seul le plafond semble diablement éloigné, avec son ventilateur, telle une araignée gigantesque tournoyant follement autour de son fil.
Dans un semi-coma, je pratique les ablutions matinales, boucle définitivement mon sac et croise une japonaise harnachée à la routarde auprès de laquelle je m’enquiers de l’heure.

3h du matin ! Que s’est-il passé ? Peut-être a-t-il confondu 50 et 5, nos numéros de chambre ?
Je le réveille pour lui signaler son erreur et surtout lui demander de me réveiller de nouveau à l’heure correcte.
Mal de tête, yeux brûlants.

Avant de prendre un taxi pour rejoindre le ferry wharf, j’ai le temps d'un petit-déjeuner correct et d’acheter un cake pour le voyage.


Embarquement pour Goa

Au bureau des Moghul Lines, j’use de mon introduction auprès d’un responsable qui n’a pas été prévenu et reste un peu sceptique, avant de me céder un billet de faveur pour la classe upper deck.
Le vrai privilège, c’est d'accéder à la salle d’attente des passagers cabine et d’y attendre, peu nombreux, l’ouverture des portes. A côté, dans le grand hall froid, les autres passagers se pressent debout, s’écrasent par centaines contre les grosses grilles qu’on ouvrira au dernier moment, donnant le signal pour le rush sauvage.
Du coup, le porteur qui a tenu à prendre mon sac à dos me réclame un pourboire exorbitant, persuadé d’avoir affaire à un gogo.


Le signal est donné

On nous ouvre une petite porte et, comme des clandestins en fuite, il faut nous hâter de gagner le bateau. Un peu gêné, je passe avec mon sac très voyant devant les grilles secouées par l’impatience des fauves qui trépignent en masse compacte.

A peine sur le bateau, cherchant sans comprendre une place pour le voyage, les grandes portes délivrent le flot humain.
Empoignade démente, rendue plus sauvage encore par les dockers revêtus de la même veste rouge, poussant ensemble un même cri, rugissement de ralliement, comme s’ils voulaient exciter davantage le troupeau qui déferle maintenant avec l’irrésistibilité d’un raz-de-marée. En quelques secondes, le pont est envahi.
Je suis resté hésitant, ne sachant quelle place occuper, et me retrouve coincé contre un plat-bord, proche d’une rigole d’écoulement, dans le sens de la courbure du pont.
Tout autour, les indiens ont déployé de larges couvertures, délimitant leurs territoires annexés, comme des colonisateurs américains procédant à un pique-nique sur des territoires vierges. Patchwork sur le pont, avec toutes ces familles solidement campées sur leurs pièces de drap, prêtes à repousser un éventuel envahisseur.


En bateau, il ne se passe rien

Surtout dans mon état fiévreux, qui ne me donne pas le cœur à engager une conversation avec les gamins curieux et vifs, ou leurs parents qui me pressent de questions.
A l’arrière du pont, les européens et quelques locaux ont, paraît-il, bu et dansé tard dans la nuit.
Coincé contre le bord d’acier du navire, poussé par les pieds des autres passagers, je me suis couché de bonne heure pour oublier cette fièvre qui me brûle.

_____________________La carte de la journée_____________________

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